Là où le temps est maître

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05 jan 2014 Là où le temps est maître

 

À une époque où tout est programmé, planifié, anticipé, où un retard de plus d’une heure est inadmissible, et celui d’une journée vécu comme une véritable catastrophe qui immanquablement sera commentée et fera l’actualité.

Cette inaptitude à l’imprévu touche tous les secteurs de notre quotidien et semble maintenant bien ancrée dans notre mode de penser et notre modèle de société.

Mais cela ne s’applique par partout…

Il existe encore des lieux où l’homme ne peut imposer ses désirs. Pour s’y rendre, y vivre, et y survivre, il doit revoir sa copie, et faire preuve d’un minimum d’humilité. L’Arctique est un de cela.

Cette philosophie n’est bien évidemment pas innée, et malgré notre expérience, et à l’heure où j’écris ces quelques lignes, nous en faisons toujours l’apprentissage.

Voilà maintenant près de deux semaines que nous avons quitté Monaco, et nous ne sommes toujours pas arrivés à destination !

Une première perturbation a empêché le Dash 7 de décoller d’Ilullisat et transformé la nuit de transit sur Upernavik en quatre jours de repos forcé chez l’habitant. Et c’est encore pour des raisons météo que les quarante-huit heures d’escale sur Qaanaaq se prolongent inexorablement jour après jour.

Pour la quatrième fois, le trajet en hélicoptère  à destination de Savissivik vient d’être repoussé. La dernière annulation en date est intervenue alors même que nous nous apprêtions à embarquer, et que les bagages étaient déjà chargés.

Le prochain départ est maintenant programmé pour lundi 20 janvier, cela fera au mieux une halte de dix jours de repos forcé au fin fond de la nuit polaire. Mais cela bien sûr reste encore très « théorique »

Dans le village, notre famille d’adoption s’impatiente. Ole a allumé, puis éteint le poêle à pétrole de notre maison.

Nous profitons de la situation pour rencontrer nos contacts et nouer de nouvelles relations. L’école de Qaanaaq nous a ouvert ses portes pour une projection-conférence où l’ensemble des classes était réuni.

Nous avons aussi commencé le tournage de séances vidéo et d’interviews initialement prévus pour le mois de mai. Nous faisons avec la situation.

Ici, « Sila naalagavoq » le Temps est maître. Nous lui accordons toute notre attention.

Il n’est pas une sortie sans que nous ne levions le nez au ciel pour observer la couverture nuageuse, son défilement, et sa capacité à laisser passer la luminosité de la pleine lune. Lorsque celle-ci parvient à déchirer la nuit permanente, le ciel passe du noir profond au bleu lumineux qui précède un crépuscule d’été.

La température reste clémente et oscille entre -10 et -20 degrés. Le manque de neige est surprenant. Les chasseurs sont contraints d’abreuver leurs chiens.

Doucement, inexorablement, nous nous laissons absorber par la sérénité d’un monde où le tourbillon et l’agitation de nos métropoles n’ont plus lieu.

Sur la télé locale, les politiques vantent les nouvelles avancées des prospections pétrolières et évoquent les perspectives économiques à venir.

Mais l’histoire, et plus particulièrement celle de l’Arctique n’est elle pas faite de situation où l’arrogance, l’empressement, et les certitudes ont dû s’incliner ?

Qaanaaq – Groenland